Claude Bloch, dernier survivant lyonnais du camp d’Auschwitz, nous a quittés le 31 décembre dernier à l’âge de 95 ans. Malgré sa disparition, la transmission du devoir de mémoire des victimes de la déportation, de la Shoah et de la résistance se poursuit dans notre établissement, avec en point d’orgue, une allocution de nos élèves lors de l’hommage rendu à Claude Bloch à la Hôtel de Ville de Lyon, le 7 février 2024.
Monsieur Le Procureur Viout, procureur adjoint lors du 3ème procès de Klaus Barbie, est intervenu le 13 février auprès des classes de 3ème. Retraçant le parcours d’Hitler, puis de Klaus Barbie dans le contexte de l’Allemagne des années 30/40, il a interpellé nos élèves sur les mécanismes qui ont conduit à la montée du nazisme et à l’endoctrinement de milliers de jeunes allemands tels que Klaus Barbie. « Comment un jeune homme bien sous tous rapports va devenir le tortionnaire qu’il est devenu ? On ne nait pas fanatique, on le devient. »
Après avoir rejoint la jeunesse hitlérienne, Barbie rejoint l’école de formation des SS. C’est là qu’il apprendra à détester les juifs et les homosexuels qu’il ira traquer à Berlin et Amsterdam. Il participe à l’occupation de Paris, puis devient chef de la section 4 de la Gestapo de la région Rhône-Alpes, Jura et Saône-et-Loire en 1943. Il installe son quartier général à Lyon, au dernier étage de l’hôtel Terminus, puis à l’école de santé militaire, avenue Berthelot. Il réquisitionnera la prison de Montluc à partir de 1943. Sous ses ordres, sont torturés et exécutés de nombreux juifs et de nombreux résistants, dont Jean Moulin. Surnommé le « boucher de Lyon », il fuit durant près de quarante ans, se cache en Amérique du Sud sous le nom de Klaus Altmann et obtient la nationalité bolivienne en 1957.
Un procès pour ne pas oublier
En 1983, il est finalement extradé de Bolivie vers la France, où il est condamné à la réclusion à perpétuité pour crime contre l’humanité lors du procès de Lyon qui s’ouvrira le 11 mai 1987. Il refusera d’y participer.
Lors de ce procès événement filmé en intégralité, qui réveillera la mémoire collective des Lyonnais, plusieurs survivants témoigneront avec courage et dignité des horreurs perpétrées par Klaus Barbie. Nos élèves ont pu en visionner de larges extraits très émouvants, dont les témoignages de Sabine Zlatine, l’infirmière d’Yzieu et de Simone Lagrange, avant que Monsieur Viout ne conclue : « Le fanatisme perdure. Lorsque des jeunes se font sauter avec une ceinture d’explosifs au nom de DAESH après avoir été endoctrinés, c’est du fanatisme ! Il faut donc se rappeler tout ça, pour ne pas que ça se répète. »
7 février : Hommage à Claude Bloch à l’Hôtel de Ville de Lyon
A l’Hôtel de Ville de Lyon, le 7 février, en présence de 350 personnes, sont intervenus pour prendre la parole, Monsieur Grégory Doucet, maire de Lyon, Monsieur le Procureur Jean-Olivier Viout, Monsieur Permezel, président de l’association des Rescapés de Montluc, des représentants du CRIF et de la Ligue Contre le Racisme et l’antisémitisme Auvergne-Rhône-Alpes, Monsieur Christian Bloch, fils de Claude Bloch, et plusieurs élèves de différents établissements de Lyon dont quatre élèves de seconde, de première et de troisième du Groups scolaire Chevreul Lestonnac accompagnés de leurs professeurs. Une fierté pour notre établissement. Ces élèves avaient rencontré Claude Bloch lorsqu’il avait livré son témoignage au Collège Chevreul et au Collège Lestonnac. Tous ont rendu un vibrant hommage à cet homme exceptionnel.
Discours de nos élèves à l’Hôtel de Ville de Lyon, lors de l’hommage à Claude Bloch, le 7 février 2024
❝Qu’est-ce qui fait, Monsieur Bloch, que nous allons retenir votre intervention ?
Lors du récit, la similitude de votre âge avec le nôtre nous a permis de nous identifier. Nous nous imaginions comme vous, dans le bus reliant La Martinière à Rillieux avec l’angoisse de se faire contrôler. Ayant connaissance du faux nom qui figurait sur votre carte d’identité nous appréhendions avec vous cette possible rencontre.
Au moment de l’arrestation par Paul Touvier, nous sommes restés impressionnés par l’ensemble des détails que vous avez acceptés de nous offrir. A cet instant, nous ne comprenions pas l’importance de votre « pantalon long ».
Ces précisions ont ensuite laissé place à l’émotion lors du départ de votre grand-père et le sang froid de votre Maman. Le 20 décembre dernier, nous sommes allés visiter la Prison Montluc et la « baraque aux juifs » a pris tout son sens. Nous vous entendions encore redire cette phrase : « avec bagage ou sans bagage ».
À la suite des collégiens de notre établissement qui ont eu la possibilité de retourner à Auschwitz avec vous, nous avons pris conscience de la gravité de ce que nous étions en train d’écouter.
Nous garderons en mémoire que, pendant que vous racontiez ce que vous aviez vécu, vous ne donniez pas votre ressenti sur les événements : que les faits. Vous avez refusé de vous faire applaudir.
Grâce à cette intervention dans notre établissement, nous avons compris ce qu’il s’était passé pendant la guerre. Ce moment nous a permis de réfléchir car, outre transmettre et ne pas oublier ce que nous avons reçu, il nous importe de ne pas refaire les erreurs du passé.
Merci, Monsieur, pour ce récit. Nous entretiendrons votre mémoire et la transmettrons : passeurs de mémoire, nous sommes dès lors « témoins du témoin ».
À plusieurs reprises, vous avez dit : « je suis petit et pas bien costaud ». Aujourd’hui, nous pouvons témoigner de votre grandeur, de votre charisme et votre générosité.
Dès lors, l’ensemble du groupe scolaire Chevreul Lestonnac et nous-mêmes tenons, avec une vive émotion, à rendre hommage à M. Bloch.
Nous sommes de ceux, nombreux mais pas assez, qui avons eu la chance de rencontrer M. Bloch et d’assister son témoignage (là aussi, le mot est faible).
En effet, trouver les bons mots, ceux qui sauront être à la hauteur de l’homme à côté duquel nous nous sentions ridiculement petits est complexe.
C’est avant tout sa capacité de résilience et son humilité qui nous ont touchés. Rien en lui ne laissait deviner un passé si chargé, et sa manière d’en parler était d’une clarté bouleversante.
Car au-delà de sa dureté, son témoignage est d’une richesse ineffable. Par son récit, il nous a transmis un pan de notre Histoire qui ne doit pas être oublié.
Claude Bloch donnait du sens à la phrase d’Elie Wiesel, prix Nobel de la paix 1986 (ancien déporté) : “Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence”, en dédiant 28 années à ce devoir de mémoire.
Ce devoir est aujourd’hui le nôtre. Nous nous devons de continuer son travail, en partageant autant que possible ses souvenirs, en veillant à ce que de telles atrocités ne se reproduisent jamais mais surtout en gardant toujours espoir, et ce, même dans les heures les plus sombres.